Subordonné

La foi, de son côté, perturbe tout. Elle, don de Dieu par excellence, vient saper tout l’édifice construit. Elle ne se base en rien sur « sa réalité » construite. Elle ne peut qu’être un échec pour cette même réalité. Et pourtant… La Foi est difficile à voir ou à palper. Don immatériel, elle passe par d’autres canaux. Des canaux extra-sensoriels par définition non mesurables par « sa réalité ». Définitivement, elle perturbe tout. Et pourtant… La foi est acte concret qui ne passe par aucun calcul, aucune pensée, aucune logique, aucun instrument de mesure. Son acte est totalement libre de toute la matrice, de toute la réalité en place. Véritablement, elle perturbe tout, une véritable épine dans le pied pour « sa réalité ». Et pourtant…

Cette épine doit être retirée, réduite à néant par un calcul logique, rationnel et mesuré. Ou sinon, elle doit être contrôlée par un raisonnement, par la pensée de l’Homme. On parle alors d’intelligence de la foi, qui peut parfois se transformer en cage ou en prison. Oui, apparemment, il faut aligner ces deux-là (intelligence de l’Homme et foi), les faire travailler ensemble. Et pourtant, cette même foi désarçonne cette même intelligence, cette logique de mots agencées les uns après les autres, ces pensées, ces constructions dogmatiques… Oui, elle outre-passe toute forme de mesure, toute forme de raisonnement bien articulé. Elle déroute. Elle dit parfois « fais ceci » en tenant compte que ce « ceci » se base sur la possible survenue d’un évènement futur, par définition non mesurable ni prévisible selon la logique de l’Homme. L’Homme traduit ce « ceci » en un risque, de là, la foi se transforme, par un « calcul évident » en un risque pour « sa réalité ». Et pourtant, elle continue de dire « fais ceci » !

Pragmatiquement, l’Homme confronté dans son concret à ce phénomène immatériel, en devient tout déboussolé. D’un côté, il entend ce « fais ceci » et de l’autre « sa réalité » traduit l'invitation par « risque ». Alors survient la peur qui n’est que conséquence de « sa réalité » perturbée par ce « risque ». Oui, la foi fait peur dans et pour « sa réalité ». Avec d’un côté, un message « non fondé » et de l’autre « un fondement sans message aucun ». Les deux ne savent pas comment s’apprivoiser… tout en tenant compte, « en réalité » que la foi n’a pas vraiment besoin d’apprivoiser l’autre. Car la foi reste libre, elle voyage, traverse, transcende ce qui, pour l’instant, est forme et matière. Elle s’affranchit de ces deux-là. Car la foi est une invitation, une passerelle à venir explorer et vivre un don immatériel, don de Dieu par excellence qui n’appartient pas à « sa réalité ».

Faire le saut de la foi, quel risque, quel danger ! Emprunter la passerelle, marcher vers Dieu en suivant Son appel. Insensé, n’est-ce-pas ? Et pourtant… en voilà une merveilleuse invitation ; Dieu dit « viens vivre au-delà, tu verras c’est très beau ». Attention au-delà ne signifie pas « dans les nuages, dans le ciel ou autre », au-delà signifie « au-delà de ta réalité » « au-delà de toi ou de ce que tu connais pour l’instant de toi ». Sacrée invitation nous menant vers le sacré. Qui dit « oui » sans même considérer cela tel un choix ? Car c’est bien un pas que Dieu demande, un pas sur cette passerelle de la foi ! Oui, un seul pas et tout dans notre vie semble basculer, tous nos repères fondre face à cet Amour que l’on ne peut comprendre avec nos outils habituels. Qui dit « oui » ? Car tous les jours, Dieu lance les dés. Sur chaque face, Il a marqué de Son doigt « FOI ». Chaque jour, les jeux sont faits. L’Homme regarde. « Sa réalité » regarde le jeu et le transforme en « enjeu ». Un enjeu c’est perturbant, c’est mieux palpable pour « sa réalité » en proie à « être seulement cette réalité ».

Oui la foi est une vraie épine. De la « couronne » du Christ, elle vient nous faire tituber ou nous stopper sur nos chemins encore tracés par notre réalité. Certains, la retirent immédiatement et la jette bien loin. D’autres s’arrêtent et l’observent un instant en pensant « c’est dangereux ce truc-là ». Puis, il y a ceux qui entrent en « dialogue », commence à nourrir un lien qui dépasse leur réalité. Certes, ils sont peu mais cela importe peu. Car ces quelques-uns viennent alors participer à un élan qui est plus grand. Ils ouvrent la voie. Ils ouvrent la voix et font entendre une nouvelle modalité de vie, une nouvelle modalité de vie qui s’affranchit du risque et de la peur. Ils entrent alors en communion dans une sphère encore trop peu explorée, celle qui unit l’Homme à Dieu.