Écartelé.e

Nous préférons, semble-t-il, le monde de l’Homme avec sa peine. Nous nous y sommes acclimatés et nous l’avons développé : peine sur peine. Ça doit en faire de la peine dans ce monde, imaginez ! Un monde qui parfois Lui est même hostile. Oui si Dieu « existait », Il nous aurait pas laissé avec cette peine, ce Mal qui fait rage. Car le Mal fait rage tous les jours dans ce monde où l’Homme vit. Oui. Et Dieu est toujours là à nous envisager comme Ses enfants dans ce monde rempli de peine. Nous susurrant tous les jours : « Ne préfères-tu pas vivre avec Moi chez Moi ? », « Viens à Moi » « Je Te reconnais, n’aie crainte ! ».

Alors certains disent oui, la plupart non. Et même en disant oui, on ne dit pas non au monde auquel on s’est acclimaté, auquel on participe, de bon gré ou non d’ailleurs. On dit oui tout en étant écartelé.e. Quelle position indélicate ! Inconfortable, très inconfortable. Dans cette dualité constante entre le cœur qui sait et la vie habituée à sa propre peine. Oui signifie qu’on entre en relation avec le Père (de manière définie par ailleurs). Mais être en relation ne signifie être proche de Lui. Le Père c’est celui de l’E.H.P.A.D qu’on visite quand on a le temps… En relation et proche à la fois signifie se prendre la main et marcher ensemble. Naviguer, explorer, décider ensemble. Proche signifie accepter l’amour de Dieu, totalement, absolument. Tel le couple premier, certes avec quelques limites de l’Autre nous envisageant.

« Viens vivre avec Moi chez Moi », voilà un bien joli message. Un Père aimant, nous voulant du bien, voulant être proche de chacun d’entre nous. Prenant soin de notre être, pas selon les règles du monde de l’Homme, mais en tenant compte d’elles. Et Dieu nous fait tous les jours plus proche de Lui, nous réacclimate peu à peu à Lui, à son Espace de vie. Certains fuient alors, disant « ce n’est pas possible, je rêve » et préfèrent vivre Dieu selon leurs règles. C’est OK, le Christ nous aidant alors peu à peu à surmonter nos limitations. D’autres « rêveurs » acceptent partiellement cet amour et font de leur mieux pour vivre le « moins écartelé » possible. Quelle gymnastique ! Une acrobatie tous les jours. Et on les entend dire parfois « Père, que c’est difficile ! »

Pragmatiquement, nous vivons écartelés, tous, ne sachant pas comment nous libérer d’un monde hostile à cette proximité, ou ne sachant pas comment perfectionner nos acrobaties au jour le jour. Et Dieu est là nous envisageant chacun d’entre nous selon là où il se trouve. Nous appelant à se rapprocher davantage de Lui, à s’abandonner à Son amour. Et chacun, à son rythme et ses peurs, essaie, parfois lutte envers lui-même pour se « décrasser » de sa dynamique limitante.

Car ce travail n’est pas une course. Il s’agit du chemin ; intérieur. Sans besoin de comparaison, l’un et l’autre, tout autant écartelé en soi, avancent. Ils avancent sur le seul chemin qui n’est indiqué sur aucune carte. Aucun pèlerinage n’y va ; seule une étincelle vrille au-dessus du feu et nous guide telle une boussole sans faille vers ce lien où l’Homme ne regarde plus derrière. Il sait alors, pendant un instant, que ce monde de l’Homme n’est plus...